Un conte d'Andersen, réecrit pour une mise en scene magique;
Connaissez-vous cet empereur qui aimait tant les habits ? Ils les aimaient tant, qu'il dépensait tout son argent et tout son temps à sa toilette, et comme on dit d'un roi qu'il est au Conseil, on disait de lui : il est a sa garde-robe..
Mais un jour, vint deux escrocs qui se prétendaient tailleurs et se vantaient de tisser la plus magnifique étoffe du monde. Non seulement les couleurs et le dessin etaient extraordinaires, mais les vêtements confectionnés avec cette étoffe possédaient une propriété particulière .. une propriété magique !
En effet comme toute beauté "souffre" de ne pas etre appréciée, ces vêtements se rendaient invisibles a qui ne pouvait en saisir la subtilité.
Ce sont des habits inestimables, Pensa le roi, grâce à eux, je pourrais reconnaître les incapables de mon gouvernement et je saurais distinguer les habiles des niais ou des incompétents !
Nos deux frippons dressèrent alors un métier à tisser. Ils firent semblant de travailler, quoiqu'il n'y eût rien sur leurs bobines. Sans cesse, ils demandaient de la soie précieuse et de l'or fin, mais ils mettaient tout cela dans leur pôche, sans jamais nourrir leur métier !
Le Roi, impatient de porter sa nouvelle tenue, envoya son ministre en mission pour mesurer l'avancement de la confection. Ce dernier se trouvait bien perplexe devant un metier qu'il voyait indéniablement vide !
-Ne serais-je donc qu'un incapable ? Je ne vois là aucune etoffe...
De retour auprès du Roi, il venta le dessin et le charme de la coupe, n'osant bien sur avouer qu'il n'avait rien vu du tout, et pour cause, puisqu'il n'y avait rien a voir ! "C'est d'une magnificence incomparable !" -dit-il au Roi.
Tout le royaume ne parlait plus que de cette etoffe qu'on disait déja extraordinaire, au point que le Roi voulut la voir de lui même. Il se rendit donc lui même à l'atelier des deux escrocs qui tissaient sans fil de soie, ni d'or, ni d'aucune sorte d'ailleurs !
- Qu'est-ce donc ? pensa le roi, je ne vois rien ! C'est terrible ! Ne serais-je qu'un niais incapable de gouverner ? Il ne pouvait rien m'arriver de pire !
Puis tout à coup il s'écria :
- C'est magnifique ! J'en témoigne ici toute ma satisfaction. Il hocha la tête d'un air satisfait et regarda le métier sans oser dire la vérité. Tous les gens de sa suite de repéter : C'est ma-gni-fi-que ! C'est charmant ! C'est admirable ! Et cela vous ira comme un charme !
Et on lui conseilla de porter le vêtement à l'occasion de la prochaine procession.
Nos deux voleurs retirèrent l'habit du métier et l'essaillèrent pour en faire la démonstration.
- Et remarquez comme nous en avons étudié l'utilité : cette pôche pour vos cigares (joignant le geste à la parole, ils retirèrent de vrais cigares d'une pôche imaginaire) celle-ci pour vos mouchoirs, sortant une etoffe de nulle part, et pour les grandes occasions nous avons aussi aménagé cette pôche si spacieuse (du vide sortit une bouteille).
Le matin de la procession, le Roi se présenta pour prendre livraison du bel oeuvre. On le deshabilla et l'on fit semblant de le revétir du vêtement imaginaire. La cour ne tarissait pas d'éloge : 'Quelle élégance, et si naturelle... Il faut bien dire qu'un rien l'habille !"
Les chambellans qui devaient porter la traine firent semblant de ramasser quelque chose par terre et levèrent les main, n'osant pas non plus avouer qu'ils ne voyaient rien.
"Sa majesté oublie son sceptre ! Nous avons pris soin de le ranger dans la poche de gauche", insistaient les brigands. Le Roi bien embétè : "La poche de gauche ... Oui ! Bien sûr ! Elle doit etre là ! ah.. non ! c'est qu'avec les plis de l'etoffe je ne la trouve pas !". Vollant à son secours, l'un des gredins sortit un veritable sceptre d'une poche qui n'existait pas, et le Roi s'en alla ainsi, entièrement nu, parcourir les rues principales de la capitale.
La foule admirait le Roi et le couvrait de compliment, personne n'osa dire que le vêtement était bel et bien imaginaire.
- Mais !! Le Roi est nu ! remarqua un enfant. Et bientôt on chuchota dans la foule en répétant les paroles de l'enfant. - Il y a un petit enfant qui dit que le roi est tout nu ! Il n'a pas du tout d'habit ! s'écria enfin tout le peuple. Le roi en fut extrêmement honteux, car il comprit que c'était vrai. Cependant, il se raisonna et prit sa résolution : - Quoi qu'il en soit, il faut que je reste jusqu'à la fin ! Puis il se redressa plus fièrement encore, et les chambellans continuèrent à porter avec respect la traîne qui n'existait pas.